Claire Meheust – Kathy Le Vavasseur réenchante le toucher

Kathy Le Vavasseur réenchante le toucher, ce sens si délaissé dans nos civilisations du visuel et du bruit qu’on pourrait le croire mort.

Ses œuvres de terre ou de textile appellent la main qui caresse.

Pourtant, rien de calme dans ses créations.

Quelque chose bouillonne, interroge le regard le long des sinuosités presque trop sages et gronde sous la peau lisse de la terre.

Dans une autre série, « Translocation », elle tranche pour révéler la face cachée, ouvre et ferme et oblige l’œil à fouiller au-delà de la surface proposée.

Le Mékong de son enfance n’est pas loin dans ses textiles bouillonnants, pleure dans ses fils de résine patiemment déroulés. Un long travail l’amène à déstructurer, bouleverser, brûler, couturer la matière, puis la distordre encore, la torturer presque pour en faire une œuvre unique, qui se donne à voir somptueusement tout en gardant ses secrets.

Kathy Le Vavasseur va toujours au bout de l’expérimentation des matières qu’elle travaille. Matières humbles que sa main transfigure : de la terre, du plastique, de la résine, du nylon, du raphia ou encore du verre. Son approche fine, précise, nerveuse les explore jusqu’au bord de la rupture.

Cette harmonie désaccordée oblige le spectateur à s’interroger sur une œuvre bien ancrée dans un imaginaire très fort, issu d’une double culture, vietnamienne et italo-française. Un passé fait de fleuves tumultueux et purificateurs, du souvenir aussi d’un père italien et sculpteur qui créait de la beauté, d’une adolescence où la vie a été à réinventer.

D’une fracture qu’elle transforme chaque jour en création puissante.

Kathy Le Vavasseur renvoie le spectateur à ses propres imaginaires, à ses origines, à la mémoire souvent enfouie de ses propres sensations primitives.

Claire Meheust
Paris, 2011

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